♦ D’où venez-vous et quel est votre parcours ?
Je suis née dans une famille d’artistes. J’ai fait des études en design dans la faculté d’Arts et d’Architecture de Bogota en Colombie, et au début, j’ai exercé dans le domaine du mobilier technique (bureautique). A la fin de mes études, je me suis intéressé à la bijouterie car elle me donnait la possibilité de créer en expérimentant directement sur la matière, contrairement à l’industrie – et parce que les bijoux étaient pour moi comme de sculptures que l’on pouvait apprivoiser et aimer, contrairement aux objets utilitaires.

♦ Comment avez-vous monté votre atelier, et comment travaillez-vous d’une manière générale ?
Mon atelier s’est construit petit à petit. Au début, je travaillais dans l’atelier de mon père, ensuite j’ai changé de ville et je travaillais chez moi. Après, il est devenu un peu nomade et a beaucoup déménagé dans différents ateliers en partageant avec d’autres artistes. Depuis trois ans, j’ai mon espace à moi sur Paris, mais je pense qu’il va devoir s’agrandir bientôt. Dans mon atelier je fais tout moi-même. J’achète la matière première et je la transforme avec des techniques traditionnelles de la bijouterie : souder, repercer, limer, scier, laminer. Je m’inspire des structures dans l’architecture et dans la nature. J’aime travailler le fil et, comme le crayon d’un architecte, je l’utilise pour délimiter l’espace. Le vide est une partie essentielle de mes créations.

♦ Quelle est la pièce dont vous êtes la plus fière, et pourquoi ?
La pièce que je préfère est l’une de mes pièces de diplôme. La bague Ville transcrit mes impressions sur les mouvements perpétuels de la ville, entre la périphérie et le centre. Elle fait penser aussi aux ponts de la Seine ou à la grande roue de Paris. Je l’aime parce qu’elle parle pour elle-même, et depuis le début, elle est comme une signature de mon travail. Quand je la regarde, elle me rappelle pourquoi j’ai choisi de faire ce métier.

♦ Votre bijou fétiche qui vous accompagne partout ?
L’une des premières bagues que j’ai réalisées quand j’apprenais la technique de la cire perdue. La bague Koukas est toujours avec moi. Sa forme particulière qui prend le doigt de côté suit les mouvements de ma main sans les contraindre. Je ne peux pas sortir sans elle.

♦ Quels sont vos créateurs préférés, tous domaines confondus ?
L’architecte Santiago Calatrava pour ses structures aériennes, l’artiste Anne Wilson pour sa capacité à matérialiser la poésie, le photographe Rob Kesseler pour nous dévoiler l’infiniment petit… ou encore Anish Kapoor pour sa simplicité spectaculaire, Gabriel Dawe, Tomas Saraceno, et Antony Gormley pour leur façon de délimiter l’espace et travailler avec le vide.

♦ Si vous deviez changer une chose dans le monde de la bijouterie, ce serait quoi ?
Le monde de la bijouterie appartient à tous, et chacun a une idée de ce qu’est un bijou. En France, j’aimerais que les gens évoluent sur leur idée du bijou. Le bijou est un objet capable de refléter une société, de transmettre des idées, de revendiquer une façon de vivre ou de voir le monde. Aujourd’hui les gens sont encore obnubilés par les symboles classiques du diamant sur la monture en or, et ne se rendent pas encore que le bijou est Art, et que sa valeur va au-delà de la matière qui le constitue. Passera encore beaucoup de temps avant de réaliser que le bijou peut se détacher de sa fonction décorative.

♦ N’a-t-on pas une histoire en tête lorsqu’on fabrique un bijou ? Qu’est ce vous souhaitez faire ressentir à votre client lorsqu’il achète l’un d’entre eux ?
Oui – nous sommes tous sensibles à la beauté cachée des choses, et en tant que créatrice, je m’inspire de cette beauté qui nous entoure. Mon regard repose sur les structures végétales et les structures créées par l’homme. Ma source est la ville dans laquelle nous vivons et j’observe comment nous nous l’approprions. Quand quelqu’un achète l’une de mes pièces c’est parce qu’il est sensible à mon regard sur le monde. Il n’achète pas un bijou mais il apprivoise une idée traduite et fabriquée minutieusement.

 

Bague Ville 2000
Argent 925
Bague Koukas 2001
Argent 925